Pola : un festival qui rend hommage aux zébus de l'Inde

Publié le par Muriel Kakani

 

Dans la vallée de Wai, vallée fertile aux pieds des montagnes Sahyadri dans l’état du Maharashtra, le son des cloches suspendues au cou des bœufs résonne. C’est une musique apaisante et pacifique qui rappelle que, depuis la nuit des temps, l’homme et l’animal ont ensemble travaillé la terre pour engendrer des civilisations prospères. Dans les champs, monter sur leurs primitives araires de bois qui griffent le sol, les hommes crient des instructions que seuls leurs beaux bœufs blancs musclés comprennent.

 


Les bœufs de l’Inde sont des z
ébus qui se distinguent par la bosse qu’il porte sur le haut du dos, au niveau du garrot. Le mot zébu viendrait d’ailleurs du mot tibétain « zeba » signifiant « bosse ». A part ce muscle hypertrophié, le zébu se caractérise aussi par de très grandes cornes recourbées, un poil de couleur claire, de grandes oreilles tombantes, un fanon ou peau ample et ondoyante sous le cou, une tête plutôt étroite et des membres allongés.

 

Il existe 35 races de zébus en Inde. Et ceux attelés à la charrue dans la vallée de Wai, sur les rives de la rivière Krishna, appartiennent à la race bovine de Hallikar. Cette race particulièrement robuste et majestueuse se distingue par de longues cornes recourbées vers l’arrière. Le Hallikar, originaire du Karnataka (Mysore), est un des meilleurs animaux de trait de l’Inde. Il y a 200 ans, Tipu Sultan remportait plusieurs victoires contre les anglais grâce à ces excellentes bêtes de trait capable de tirer chariots et canons sur plus de 50km en une journée. Ces bœufs possèdent une force, une agilité et une élégance comparable a celle des chevaux. Sans aucun doute, ils font la fierté de l’Inde rurale.

 


Comme 70% des agriculteurs de l’Inde, rares sont les agriculteurs de Wai qui possèdent un tracteur. Les lopins de terre sont généralement trop petits, moins d’un hectare, et le tracteur n’est avantageux que dans les exploitations dépassant 5 hectares.  L’économie rurale de l’Inde repose donc sur ses 80 millions d’animaux de trait qui labourent 2/3 des terres exploitées. Pour remplacer ces 80 millions d’animaux de trait, il faudrait 8 millions de tracteurs qui brûleraient quelques 30 millions de tonnes de diesel annuellement.  Ces animaux (principalement les bœufs) tirent aussi les charrettes qui transportent 50 millions de tonnes de marchandises annuellement. Pour remplacer les 20 millions de chars à bœufs, il faudrait 1 million de camions. Vous pouvez ainsi imaginer la crise
énergétique auxquels les villages indiens devraient faire face si leurs bœufs se voyaient remplacer par des machines !!

 

C’est pourquoi depuis la nuit des temps, le paysan indien, conscient de l’importance primordiale de ses bœufs, vénère ces animaux de trait. Déjà les hymnes de l’Atharva Veda révéraient le zébu pour sa force et son utilité. Il est considéré le maître de la terre entière. Il est le dieu Indra, le roi suprême, le dieu tout puissant, le Maître de la Nature parmi les animaux.

 

Le bœuf est aussi un animal sacré révéré sous la forme de Nandi, le bœuf puissant, véhicule du Dieu Shiva. Un mythe raconte comment Shiva dépêcha Nandi sur terre pour demander aux populations de se baigner à l’huile tous les jours et de ne manger qu’une fois par mois. Malheureusement, Nandi s’embrouilla dans ses propos et ordonna le contraire. Maintenant que les humains devaient manger tous les jours, Shiva expédia Nandi parmi les hommes pour les aider à labourer leurs champs.

 



Ainsi, partout en Inde, plusieurs festivals sont célébrés pour payer respect aux bœufs et les remercier pour leurs services rendus. Dans le Maharashtra, le festival Pola est célébré au mois de juillet, la saison des labours. Ce jour là, les animaux ne sont pas attelés à la charrue. Tout d’abord, ils sont lavés à grande eau pour être ensuite enduit d’une pâte jaune
à base de curcuma, une épice sacrée et auspicieuse associée à la pureté, la prospérité et la fertilité.



En fin d’après-midi, au son du tambour, les bœufs décorés et guirlandés sont rassemblés sur la place du village pour être paradés dans les rues. Dans certains villages, c’est l’occasion pour une course de bœufs. En soirée, vient le moment de rendre hommage aux animaux sacrés avec une Pûjâ (cérémonie d’adoration). Un plateau comportant les offrandes de fleurs, fruits et graines ainsi qu’une petite lampe de ghee est circulé plusieurs fois autour de la tête de l’animal.


La c
érémonie  est suivie de la distribution de Prasad (aliments bénits). Et bien sûr, le bovin de la famille est le premier à recevoir son ladoo (sucrerie). Après tout, il est le roi de la fête. De plus, le ‘bon bœuf’ n’est pas une bête à exploiter mais un allié, un compagnon à remercier avec gratitude !!

 

 

Voir Reportages Photos : Les zébus de l’Inde

 

Muriel Kakani (13/07/09)

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